
Le soleil n’est pas encore levé lorsque les 50
participants (moins deux absents de dernière minute) montent dans le
car, les yeux encore mi-clos. Il est 6h30 du matin, et une journée de
découverte nous attend de l’autre côté de la frontière. L’ambiance est
encore timide, des paupières lourdes... mais la bonne humeur pointe
déjà, discrète, en attendant le premier café salvateur.
Heureusement,
une pause petit-déjeuner sur la route permet de raviver les esprits :
café, viennoiseries et sourires réveillés remettent chacun sur pied.
Nous arrivons à Hendaye, Mais avant de pouvoir
poser le pied sur un bateau, une aventure inattendue attend notre
chauffeur Bernard. Le plan prévu pour rejoindre l’embarcadère s’avère
vague, et le GPS nous entraîne dans un dédale de ruelles étroites,
bordées de voitures et de virages improbables. Grâce à quelques
passagers débrouillards et à la dextérité de Bernard, le bus se faufile
avec brio – non sans quelques sueurs froides. Aucune voiture rayée,
aucune aile froissée : mission accomplie.
Nous rejoignons l’embarcadère, essoufflés mais
heureux, toujours au complet. Grâce à une réservation bien pensée,
l’embarquement se fait sans attente : cap sur le petit port de
Hondarribia, cette fois depuis la mer. Peu après, nous arrivons à
Hondarribia, ce village côtier au riche passé maritime. Il porte
plusieurs noms Fontarrabie dans sa version francisée, aujourd’hui tombée
en désuétude. C’est désormais le nom basque qui s’impose comme la forme
officielle et la plus courante.
Sur
la rive espagnole, deux guides nous attendent pour une plongée dans
l’histoire. Nous formons deux groupes et partons à la découverte de ce
village de pêcheurs devenu bastion historique, notamment pour son rôle
dans la chasse à la baleine.
Dès le Moyen Âge, les marins d’Hondarribia se
lancent à la poursuite des baleines franches dans le golfe de Gascogne.
À partir du XVIe siècle, ces expéditions s’étendent jusqu’en Terre-Neuve
et en Islande. Les équipages embarquent sur des chaloupes pour des
campagnes longues, rudes et dangereuses Le déclin arrive au XVIIIe
siècle, avec la raréfaction des baleines, la concurrence étrangère et
les mutations économiques. Aujourd’hui, Hondarribia reste un témoin
précieux de cette épopée maritime basque.
Nous apprenons aussi que les fameuses couleurs
rouges, vertes et blanches des maisons basques ne datent pas du Moyen
Âge, comme on pourrait le croire, mais de la fin du XIXe siècle, à la
suite de la création du drapeau basque (Ikurriña) en 1894. Ces couleurs
incarnent le peuple (rouge), la liberté (vert) et la foi chrétienne
(blanc), et se sont popularisées au XXe siècle dans l’architecture
locale. Le rouge, riche en oxyde de fer, avait aussi une fonction
protectrice pour le bois.


Nous poursuivons par une balade dans la vieille
ville fortifiée, théâtre de nombreux sièges, notamment par les troupes
françaises. Elle ne fut conquise qu’une seule fois au cours de son
histoire. La visite s’achève dans une église baroque, richement décorée
de dorures.


Il est temps de déjeuner. Nous rejoignons un
restaurant, réservé à l’avance (bravo l’organisation !), niché dans un
sous-sol frais, à l’abri de la chaleur extérieure. Le repas, copieux et
bien arrosé de vin espagnol, permet de recharger les batteries dans la
convivialité.


Une fois rassasiés, nous reprenons la mer pour
regagner Hendaye, où nous attend la dernière visite du jour : le
Château-Observatoire Abbadia.


Perché sur les falaises, ce château néogothique,
construit entre 1864 et 1879 par Viollet-le-Duc, fut la demeure
d’Antoine d’Abbadie, scientifique, astronome, explorateur, linguiste et
ardent défenseur de la culture basque. Le bâtiment est à son image : un
étonnant mélange de styles gothique, mauresque et oriental, inspiré par
ses nombreux voyages, notamment en Éthiopie.
Notre jeune guide, passionné et habité par les
lieux, nous offre une visite théâtrale et immersive. Nous découvrons un
mobilier d’époque, une bibliothèque impressionnante, des inscriptions
murales en latin, basque, arabe, et bien sûr l’observatoire
astronomique, témoin de la passion de d’Abbadie pour les étoiles et la
science. Malgré l’atmosphère parfois sombre et mystérieuse du lieu, on
sent battre le cœur d’un homme habité par sa quête de savoir.


La promenade autour du château offre un
magnifique panorama sur l’Atlantique et la Corniche basque, clôturant
cette visite sur une touche de beauté sauvage.
Il est temps de remonter dans le car, direction
Saint-Bertrand-de-Comminges. Une pause pipi stratégique insuffle un
second souffle au groupe… quand soudain, une fièvre musicale s’empare de
Bernard, notre chauffeur-chanteur. Très vite, les passagers reprennent
les classiques Pyrénéens : parfois justes, parfois moins, mais toujours
avec le sourire. Le car devient un véritable karaoké roulant, ponctué de
rires et d’applaudissements.
Nous arrivons enfin à destination, en pleine fête
du Brandon. Si certains préfèrent rentrer, fatigués mais ravis, une
douzaine d’irréductibles fêtards choisissent de prolonger la soirée
autour d’un cochon de lait rôti, dans une ambiance joyeusement
surchauffée par l’embrasement du fameux Brandon.
Une journée inoubliable, faite de
rires, d’imprévus, d’histoire, de chaleur et de chansons.
Bref : une sortie ADN comme on les aime – un peu
d’aventure, beaucoup de souvenirs, et juste ce qu’il faut de folie.
Jean-Pierre & Odile



