

06h15 La
nuit s’attarde encore sur le parking, volontairement plongé dans l’ombre
- économie d’énergie et lutte contre la pollution visuelle obligent.
Dans cette pénombre, les adhérents cherchent à se reconnaître. Les
silhouettes se croisent, hésitent, se devinent.
Margaret, fidèle au
poste, éclaire un visage après l’autre de sa lampe torche et procède au
pointage, telle une gardienne attentive rassemblant son équipage avant
le départ.
Le
bus surgit enfin, ses phares tranchant l’obscurité. À peine les portes
ouvertes, certains se précipitent à l’intérieur pour retrouver leur
siège habituel. Mais il ne s’agit pas seulement d’une place : c’est un
repère, une habitude rassurante, un rituel à préserver - parfois même
une superstition.
En un instant, chacun est installé. Nulle
crainte de manquer de place : le bus a toujours la juste mesure de son
groupe. Et il n’est pas question que quelqu’un voyage debout : nous ne
sommes pas dans le métro. Le moteur gronde doucement, et déjà nous
prenons la route vers Castres.


10h00
Nous arrivons à Castres. Notre guide nous attend au jardin de l’Évêché,
chef-d’œuvre d’équilibre et de rigueur où chaque haie semble taillée au
cordeau. De là, elle nous entraîne à travers les ruelles du centre
historique.
Les
ruelles nous mènent jusqu'à la place Jean Jaurès, animée et lumineuse ;
l’église de la Platé, avec son clocher carillonné singulier et son style
baroque à la française ; les hôtels particuliers du XVIIe siècle aux
façades élégantes… Le guide nous raconte les anecdotes locales qui font
revivre la ville.
La
visite se poursuit : par les Maisons suspendues au-dessus de l’Agout,
véritable emblème de Castres. Leurs façades colorées, parfois roses,
ocres ou bleutées, se reflètent dans l’eau comme dans un miroir.
Autrefois, ces maisons servaient aux négociants et artisans pour faire
sécher les étoffes et travailler les cuirs directement au-dessus de la
rivière. Les larges fenêtres étaient de véritables ateliers à ciel
ouvert. Aujourd’hui, elles témoignent encore de l’activité commerciale
et artisanale qui fit la prospérité de la ville.
La
matinée s’achève autour d’une table conviviale à la Brasserie Marso. Le
croustillant de chèvre chaud ouvre le repas avec délicatesse, la daube
de joue de bœuf confite fond dans la bouche et l’entremets aux fruits
apporte une touche légère et parfumée. Le repas se déroule dans la bonne
humeur, ponctué de conversations animées et de rires partagés.
14h00
Nous quittons le restaurant pour rejoindre le bus, qui doit nous
récupérer le long du boulevard. Après cinq bonnes minutes d’attente,
notre guide s’aperçoit que le message destiné au chauffeur n’est jamais
parti… et pour cause : son téléphone, tombé dans les toilettes, avait
rendu l’âme ! Heureusement, un appel depuis un autre appareil règle
l’affaire : deux minutes plus tard, le bus nous rejoint. L’incident,
vite oublié, arrache quelques sourires.
Un
passage au ralenti à Burlats nous plonge dans l’atmosphère médiévale
d’un village lové au bord de l’Agout. Le pavillon d’Adélaïde, élégant
vestige roman, évoque les récits d’amour courtois et les légendes
anciennes. Puis cap sur le Sidobre, ce territoire unique où la nature a
façonné, au fil des millénaires, d’étonnants géants de granit.
Le cœur du Sidobre - la spectaculaire Peyro
Clabado, impressionnant bloc de granite de près de 780 tonnes, repose en
équilibre sur une surface d’à peine un mètre carré. Le rocher défie la
gravité et fascine les regards. Tout près, le Musée Jean Cros – Minéraux
et Fossiles nous ouvre ses portes sur l’histoire profonde de la Terre.
Chaque pierre y raconte une aventure : quartz du Tarn, pierre des
obélisques d’Égypte, calcédoine d’or, fossiles vieux de 200 millions
d’années. Les gogotes, blocs de granit naturellement modelés, semblent
presque vivants, et les géodes brésiliennes captent la lumière comme de
petits trésors.


Le musée célèbre aussi le savoir-faire local :
une boutique propose des bijoux et créations en granit, et des ateliers
permettent de découvrir les techniques anciennes de taille et de
sculpture. Devant la beauté des pierres, plusieurs participants ne
résistent pas à ramener un souvenir, provoquant un petit bouchon à la
caisse et nous faisant perdre un temps précieux. Plus loin, le bus se
gare et les plus courageux s’élancent sur un sentier qui, au terme d’un
quart d’heure de marche, mène au gracieux roc de l’Oie, semblant prêt à
s’élancer. Notre guide nous confie une légende : une oie, punie pour son
infidélité, aurait été changée en granit… Un nouveau retard s’ajoute,
mais la magie du lieu compense la fatigue. Au détour du chemin, le lac
du Merle offre un spectacle contemplatif : miroir d’eau garni de
nénuphars et entouré de chaos rocheux, il respire la sérénité. Enfin, le
chaos de la Resse, véritable rivière de blocs éparpillés, donne
l’impression d’un paysage façonné par une main géante.
La journée s’achève à la Maison du Sidobre, où
nous découvrons l’histoire géologique du massif, l’ingéniosité des
granitiers et les légendes locales. Hélas, la visite est écourtée : le
retard accumulé nous presse, car notre chauffeur risque de dépasser son
amplitude de conduite.
Il
est déjà l’heure de reprendre la route vers Saint-Bertrand-de-Comminges.
Dans le bus, le silence s’installe peu à peu : certains s’assoupissent,
d’autres rêvent encore aux paysages traversés.
Castres et le Sidobre
laissent en nous une double empreinte : l’élégance urbaine et la force
minérale. Deux visages d’un même voyage, appelés à durer dans nos
souvenirs.




